Membre du cercle fermé du Summer of Arcade sur Xbox LIVE Arcade, Bastion fait figure de petit jeu mignon, coloré et naïf avec son héros aux traits enfantins qui arpente un univers regorgeant de détails. Mais sous cette enveloppe pure kawaï fermente un monde détruit, secoué par une guerre qui commence à peine à devenir un souvenir. Des terres abandonnées, sorte de far-West vert-pomme et lumineux sentant le vieux whisky, qui servent de décors au sauvetage désespéré du Kid. L'effet LIMBO 2011 ? Réponse dans notre test de Bastion.
Jeune garçon aux cheveux argentés, le Kid se la joue héros de RPG japonais en débutant son aventure lourdement endormi. Mais contrairement à ses collègues réveillés pour aller chercher de l'eau au village voisin ou se rendre à une fête de village, le Kid se lève lui avec la Calamité pour réveil-matin. Point zéro d'un destruction quasi totale de l'ancien monde, ce cataclysme a gangréné la moindre parcelle de terre, laissant seulement le Bastion relativement vivable pour le jeune héros et Ruck, un vieil homme mystérieux. Personnage le plus important, il est celui par qui tout arrive, littéralement. Il officie en tant que conteur et génère le monde tout autant qu'il le commente. Coup de génie de Bastion, ce concept de narration directe et adaptative apporte enfin de la nouveauté dans un domaine du jeu vidéo en jachère. Souvent délaissée en faveur de QTE plus ou moins réussis, voire simplement reléguée au rang d'évidence dont il est inutile de s'occuper, la manière de raconter une histoire perd de plus en plus en pertinence au profit de la cinématique. Bastion se place totalement à l'opposé, chaque pas, chaque partie d'une zone apparaissant devant le Kid, chaque événement qu'il soit important ou non est commenté par le narrateur. Sa voix rocailleuse de vieux cow-boy adepte de tabac à mâcher agit comme une sorte de cutscene aveugle. Les mots remplacent les images et créent un lien fort avec Ruck, seul témoin de l'ancien temps, qui redonne de la vie à des terres désolées. L'attachement se noue tout d'abord difficilement pour se resserrer au fil des heures, jusqu'à devenir précieux lors des dernières minutes d'un scénario très bien écrit. Une excellente idée qui bégaye pourtant avec une traduction française parfois un peu éloignée et surtout une certaine difficulté à lire les sous-titres dans le feu de l'action. Une parole donnée à une belle plume, qui ne cache pas pour autant l'épée.
Bastion générale !
Titillant le hack'n slash et le dungeon crawler, Bastion s'appuie donc sur des combats d'homme directement au contact de l'ennemi. Malgré son jeune âge, le Kid est à la tête d'un arsenal varié et très conséquent qui s'étoffe bien évidemment au fil de la progression et lui permet de diversifier son nettoyage par le vide. Chaque arme est plus ou moins efficace contre tel ou tel type d'ennemi, même si globalement cette spécialisation tend à disparaître pour une fidélité à son équipement habituel à l'efficacité prouvé. Une limite qui vient de la possibilité de n'emmener que deux armes différentes lors d'une mission, le tout accompagné d'une capacité spéciale qui ne se déclenche qu'en l'échange d'un item particulier, largement répandu dans les nombreux tableaux. Malgré la grosse dizaine d'outils de destruction présents, la sélection sera pour le coup logiquement restreinte au plus simple, d'autant que l'accès à un Arsenal – bâtiment permettant d'échanger ses armes – est bien trop rare au sein d'une mission. Il est donc difficile de vraiment tirer parti des épées, lances, mousquets et canons proposés dans le flot de l'aventure, ceux-ci trouvant un intérêt dans le cadre d'une "Nouvelle Partie Plus" faisant son entrée après la fin du jeu. En possession de l'ensemble de sa collection d'armes dès le début, il est plus agréable d'en tester l'ensemble des capacités, réparties sur 5 paliers, avec le remplacement de l'attrait pour l'histoire par celui pour le gameplay. Un transfert qui n'empêche pas de se se faire la main durant la première traversée des contrées touchées par la Calamité. Plutôt nerveux, davantage en fonction du nombre d'ennemis au m² que de leur rapidité, Bastion commence tranquillement en laissant au joueur le temps de prendre du recul, de jauger la situation avant de faire bien sentir la dure loi des terres sauvages, sans jamais devenir vraiment difficile.Tout du moins de lui-même.
Carré dans son gameplay tout en étant très modeste dans ses prétentions, Bastion sort du lot par son bavardage constructif mais également par sa réalisation et le soin artisanal de la conception de décors..."
Dans un hommage involontaire aux crânes de Halo, le jeu propose de placer dans un temple diverses idoles qui modifient certains aspects du gameplay et du comportement des monstres afin de gagner plus ou moins de cristaux, la monnaie locale, et de points d'expérience. Le joueur est donc libre de se pourrir la vie dans l'espoir d'un gain intéressant ou de laisser les choses en l'état. Un système addictif qui peut vraiment pousser la perversion très loin. Il n'en faut pas autant pour déceler quelques problèmes de réglages concernant les armes à distances dont la précision n'est pas vraiment l'un des points forts dès qu'un ennemi ne rentre pas dans la zone de lock automatique. La visée à la main ne rend pas hommage à la réputatin du Kid qui doit faire avec un réticule bien trop lâche pour se positionner correctement. Le cas de figure ne se rencontre que rarement, mais il étonne dans un ensemble réactif, précis et au feeling bien arcade. L'avancée commentée se fait avec plaisir dans des niveaux aux rares embranchements qui poussent paradoxalement à l'exploration avec toujours quelques cristaux et potions si l'on défie le vide où que l'on secoue des buissons épineux innocents. Carré dans son gameplay tout en étant très modeste dans ses prétentions, Bastion sort du lot par son bavardage constructif mais également par sa réalisation et le soin artisanal de la conception de décors sortis d'un jeux de plateau peint à la main avec une attention infinie. Des nations entières dévastées avec goût qui se dévoilent pleinement sous les appels d'une bande-son surprenante, dans un style ressemblant à ce qu'aurait donné un bœuf entre Jeremy Soule et Plaid dans un vieux saloon. Classique dans ses rouages et ne tirant pas forcément partie de toutes ses possibilités ludiques, Bastion est pourtant un jeu enthousiasmant qui joue avec les mots pour détourner l'attention. Première règle de la magie.
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